vendredi 29 août 2014

Charolles, l'irréductible

Nous sommes en 1477 après Jésus-Christ. Toute la Bourgogne est occupée par les Français... Toute ? Non ! Un village peuplé d'irréductibles Bourguignons résiste encore et toujours à l'envahisseur.
Ce village : c'est Charolles!


Car Charolles n'est pas n'importe quel village. C'est la terre du Téméraire. Pendant sa jeunesse, et avant de devenir duc de Bourgogne, Charles était en effet comte de Charollais, et c'est pourquoi ce pays lui est toujours resté fanatiquement attaché.
Aussi, quand Louis XI envahit la Bourgogne, en 1477, et que ses troupes pénétrèrent dans le pays charollais, ils se heurtèrent à une résistance si farouche, ils firent face à des Bourguignons si forcenés, qu'ils durent renoncer à en faire la conquête, et que Charolles fut restituée à la duchesse Marie de Bourgogne.
Ainsi, Charolles demeura pendant quelques siècles un petit ilot d'indépendance au milieu de la Bourgogne. C'est là que brûlait encore la flamme de la résistance bourguignonne. Une sorte de village bourguignon, où les vaches charollaises tenaient lieu de sangliers, et le pinard, de potion magique !
Autant dire un vrai petit paradis terrestre !

 
Bienvenue dans la cité du Téméraire !

Riche d'un tel passé, il me semblait que Charolles me tendait littéralement les bras, et en bon Bourguignon, je ne pus résister à l'appel du Charollais !
Autant vous dire que je ne fus pas déçu.
Quelle merveille que Charolles !  Avec sa tour Charles le Téméraire, son pont Charles le Téméraire, sa place Charles le Téméraire, son hôtel Charles le Téméraire et son parking Charles le Téméraire, Charolles est certainement la cité où la mémoire de Charles le Téméraire est la mieux chérie ! Oui, ici, tout respire Charles le Téméraire ! Les Charollais ne semblent vivre et mourrir que dans l’obsession permanente de Charles le Téméraire ! On y Charlesletémérairise sans cesse dans des charlesletéméraireries charlesletémérairisantes !
Autant dire que j'en était charlesletémérairisé, et que je me sentais ici parfaitement chez moi.

Photographie de la Tour Charles le Téméraire, qui surplombe la place Charles le Téméraire

Pour me remettre de toutes les joies que me procuraient Charolles, je m'attablais à un petit restaurant sis place Charles le Téméraire, nommé le Charolles, pour y commander un menu Charles le Téméraire, à base de charollaise, arrosée d'un petit mâcon rouge.
Et bientôt, devant cet onglet saignant de vache blanche,  je me plongeai dans les puissantes extases du gosier (J'en profite ici pour informer subtilement mes lecteurs qui souhaiteraient  m'inviter à déjeuner chez eux que l'onglet est ma viande préférée... a bons entendeurs...).
Oui, car Charolles, évidemment, n'est pas seulement la ville de Charles le Téméraire, c'est aussi la capitale mondiale de la viande charollaise, autant dire le paradis des carnivores !

Vue de Charolles, que l'on appelle également la petite Venise de Saône-et-Loire, même s'il serait plus juste d'appeler Venise la grosse Charolles de Vénétie...

Hélas le paradis, on le sait, n'est pas de ce monde, et après la fin de ce succulent repas, tandis que je m'apprétai à me livrer sans remords dans les délices de la digestion ensommeillée, le serveur de cet établissement vint ternir cet idyllique tableau par son comportement brutal.
Enfin effet, tandis que je quittai en sifflotant son établissement, le serveur m’alpagua et me lança :
- Monsieur, vous avez oublié de régler l'addition.
- Plait-il ? Lui répondis-je.
- L'addition monsieur. Vous avez consommé un menu Charles le Téméraire,il s'agirait de le régler.
Je crus d'abord à une plaisanterie et j'éclatai de rire.
- Il doit s'agir là d'une pointe de ce légendaire humour Charollais qu'affectionnait tant Charles le téméraire, répondis-je au loufiat en lui tapant amicalement sur l'épaule. Mais au moment où je commençai à lui tourner les talons, celui-ci repartit dans son idée fixe, et avec une pointe d'agressivité.
- Non monsieur, ce n'est pas une plaisanterie. Quand on mange, on paye. C'est comme ça qu'on fait à Charolles. Alors maintenant faut payer.
- Mais enfin monsieur, lui dis-je, vous ignorez sans doute qui je suis.
Le bonhomme me regarda interloqué. 
- Ben vous-êtes qui ? s'enquit-il 
- Charles le Téméraire lui répondis-je.
A cette réponse, ses yeux avaient doublé de volume et semblaient s'extraire de l'orbite où ils résidaient habituellement. 
- Et alors ? 
- Ben Charles le Téméraire ! Du MLB ! Est-ce vous n'allez jamais sur blogspot ? Enfin vous vous rendez bien compte du ridicule de la situation. Vous n'allez quand même pas faire payer un menu Charles le Téméraire à Charles le Téméraire ! Ce serait grotesque ! A quoi vous sert de vous installer place Charles le Téméraire et de nommer votre tour Charles le Téméraire si vous n'invitez même pas Charles le Téméraire quand il se présente chez vous !
J'eus beau expliquer à ce bougre à quel point son cinéma était navrant, mes arguments ne parvinrent pas à le convaincre. Le rouleau compresseur de ma dialectique s'était heurté au mur de titane de son incompréhension, et je dus lui remettre la somme qu'il exigeait de moi.



C'est donc avec une légère pointe de déception que je quittais l'adorable Charolles. Ce qui fait le charme de ces petites villes isolées, c'est qu'elles se tiennent préservées des laideurs de la modernité. Mais cette médaille a son revers, il faut en convenir, c'est qu'elles sont aussi totalement ignorantes des mouvements d'avant-garde, comme peut l'être le MLB.
Qu'importe, Charolles est une ville admirable, et Charles le Téméraire et moi-même (Charles le Téméraire), nous vous en recommandons chaudement la visite (surtout si vous aimez Charles le Téméraire, car les admirateurs de Louis XI ne manqueront pas de trouver leur séjour cauchemardesque).

3 commentaires:

Escargot von Kaninchen a dit…

Joli !

Guigone de Salins a dit…

http://www.harkavagrant.com/index.php?id=20

Guigone de Salins a dit…

(ça n'a pas grand chose à voir avec Charolles mais les fans d'histoire apprécieront..)