mercredi 27 avril 2011

Comment la France bafoue le kir

Je me trouvai pas plus tard qu'avant hier en territoire ennemi, c'est-à-dire en France, lorsque, abattu par la chaleur du soleil printanier, je m'assis à la terrasse d'un bistrot, bien décidé à me rafraichir le gosier.
Une serveuse, pâle, rachitique, désespérement sobre, vint s'enquérir avec mollesse du breuvage ce que je désirais ingurgiter. Je lui répondis avec fermeté (comme pour lui signifier le mépris en lequel je tenais son triste peuple) : "servez-moi un Kir !".
Alors qu'après avoir formulé cette réponse limpide je m'attendais à voir la serveuse se diriger avec diligence dans son café pour m'apporter le délectable breuvage dont j'avais fait la commande, la nigaude crut bon de palabrer de plus belle en me posant une question tout à fait saugrenue : "Kir fraise ou Kir framboise ?". Cette fois je n'y tins plus et je ne me contentis pas de sortir de mes gonds, j'en jaillis avec fureur :
"_ Cessez de m'importuner avec vos problèmes de jardinage ! Je n'ai que faire de vos fruits exécrablement rougeâtres ! J'ai commandé un kir et j'entends bien en boire ! Sachez que je ne quitterai votre établissement qu'en titubant !".
La serveuse repartit vers son comptoir en courant, tandis qu'un flot de larmes venait inonder ses yeux inexpressifs. Elle revint en direction de ma table, tremblante de frayeur, et déposa devant moi un verre. Je portai alors le récipient à mes lèvres et au lieu de sentir le goût tant espéré de la liqueur de cassis ma langue se plongea dans un verre de vin blanc contaminé par un écoeurant sirop de fraise archi-sucré. Je me levai alors de ma chaise et projetai l'éxécrable liquide à la face de la serveuse anéantie en lui assénant : "Avec les compliments du chanoine Kir !".
Je partis aussitôt sans même régler ma note, laissant derrière moi les cris de la serveuse désespérée. Je crus inutile de me retourner, ce en quoi je fis bien car les insultes des autres clients commençaient à fuser en ma direction.
Ainsi donc, en plein XXI° siècle, tandis qu'on ne cesse de nous parler des progrès de l'éducation dans le monde, il existait encore des personnes assez sottes pour ignorer que le Kir se prépare avec du cassis et non avec je ne sais quel sirop de glucose. Quelle misère !
Pour y remédier je décidai aussitôt de consacrer un article de ce site au chanoine Kir, que vous pourrez lire dès que je l'aurais écrit (c'est-à-dire la semaine prochaine).
En attendant, chers amis Bourguignons, restez vigilants, et refusez catégoriquement d'ingurgiter ces décoctions sournoises qui usurpent le beau nom de Kir.

Le seul kir véritable, tel que l'univers entier nous l'envie

Et pour rendre mon article plus pédagogique encore je crois utile de rappeler quelques équations éthyliques que tous les experts ès-soulographie se doivent de connaitre par cœur, ou plutôt par foie :

Bourgogne aligoté + crème de cassis = kir
Crémant de Bourgogne + crème de cassis = kir royal
Bourgogne rouge + crème de cassis = cardinal (si vous êtes religieux) ou communard (si vous êtes révolutionnaire)
Vodka + crème de cassis = double K
Whiskey + crème de cassis = Whyskas
Blanc aligoté + sirop Tesseire = pipi de chat
Eau minérale + sirop de menthe = franchouillard (le franchouillard se boit essentiellement en région parisienne).

vendredi 15 avril 2011

Français, encore un effort !

La France est un pays de flasques ronfleurs et de pâles pisse-froids létargiques !
Non ce n'est pas le MLB qui l'affirme, mais un rapport de l'OCDE qui vient d'être publié et qui établit que les Français dorment en moyenne beaucoup plus longtemps que les autres habitants de cette planète.
Voilà qui ne surprendra personne, et surtout pas les bourguignons qui subissent le joug de l'oreiller depuis déjà plus de 4 siècles.
Certes les Français peuvent dormir paisiblement en France, et ce ne sont pas le bruit des bouteilles que l'on débouche qui les empêcheront de dormir.
Il suffit de se promener nocturnement dans n'importe quelle ville de France pour voir à quel point le sommeil y est respecté : pas un bistrot ouvert trop tardivement, pas la moindre bacchanale, fut-elle chétive, ne vient perturber le sommeil sacré des fanatiques du ronflement.
Partout les dormeurs règnent en maitre, et si un groupe de joyeux buveurs a l'outrecuidance de rire un peu trop fort, de s'amuser de manière un peu excessive ou même d'oser parler à voix haute, plutôt que de murmurer, une simple plainte suffira à les envoyer au commissariat ou à faire ferme un bistrot où l'on aurait l'audace de faire quelque bruit après 22 heures.
Le maire de Dijon lui-même a, de ce point de vue, beaucoup contribué à la francisation de la Bourgogne en prohibant la vente d'alcool en épicerie après minuit (ô ville festive !). Quant à la France, elle peut compter sur son ministre de la vertu et de la sobriété, Roselyne Bachelot, pour qu'aucune sorte de festivité ne gêne la somnolence des moutons.

"Il est 22h05 et j'ai entendu deux jeunes gens boire un verre de vin rouge dans la rue en riant. Je suis une bonne citoyenne française et je suis dans mon droit : j'appelle les flics !"

Pour la plupart des gens le sommeil n'est qu'un besoin, parfois un plaisir, mais pour le Français c'est la principale des activités, la plus sacrée de toute.
Oui, pour le Français, rien n'est meilleur que de s'allonger sur une surface mollasse et d'y demeurer immobile, les yeux clos. Voilà ce à quoi il aspire par dessus tout : à rester inerte et silencieux.
"Fichez le camp de la France avec votre alcool, vos rires et votre musique : ici on veut dormir tranquillement ! Soyez raisonnables : allez vous coucher mon vieux ! Et buvez un verre d'eau plate, ça vous aidera à mieux dormir !"
Ce rapport de l'OCDE nous apprend que les Français dorment en moyenne 8h50 par jour. C'est beaucoup, mais encore très insuffisant. Pour que la France accomplisse son destin en tant que nation, et pour que les Français deviennent intégralement français, il faudrait que ce chiffre soit beaucoup plus élevé. Oui, Français, encore un effort. Bientôt si cette tendance se poursuit, et si nos gouvernants poursuivent leur travail, d'ici une cinquantaine d'années tous les Français pourront dormir 24 heures par jour en France, dans de confortables lits de sapin, logés dans de silencieux dortoirs situés 6 pieds sous terre.
Alors, plus personne ne viendra déranger le sommeil des Français et la France sera vraiment la France !

"Silence ! Vous êtes en France !"