Les Islandais ayant tendance, eux, à déplorer que notre belle capitale manque de geysers, mais il est toujours difficile de satisfaire tout le monde.
Pour en revenir à ce problème de rivière, il est vrai qu'on ne peut pas reprocher à Dijon de disposer de cours d'eau en trop grande quantité, ce serait un peu excessif, et pour tout dire elle n'en possède qu'un seul, l'Ouche, dans lequel même un Liliputien ne pourrait pas se noyer. C'est, je crois, l'un des seuls cours d'eau d'Europe que l'on peut traverser sans mouiller ses chaussures.
Il y a bien le canal de Bourgogne également, mais on ne sait jamais très bien où il se trouve, et d'ailleurs, quand on le trouve, on le quitte aussitôt parce qu'il n'y a absolument rien à y faire.
Mais si j'écris cet article ce n'est certainement pas pour déplorer cet état de fait, mais au contraire pour le défendre. Tous ceux qui regrettent l'absence d'une rivière à Dijon ne connaissent rien, je dis bien rien, à l'histoire de Dijon, et plus largement à la culture bourguignonne.
Dijon, est, fondamentalement, une ville aquaphobe.
Pendant des siècles en effet, c'est-à-dire depuis sa création, Dijon a été totalement dépourvue d'eau saine et d'eau digestive, sans jamais s'en porter plus mal. Oh certes, il y eut bien, de temps en temps, quelques épidémies de peste, mais une bonne vieille peste redonnait le goût de vivre aux survivant et purgeait la ville de ses éléments les plus fragiles. Le sol de Dijon étant de nature calcaire, les puits ne lui ont jamais fournis une boisson décente, et souvent, comme Eugène Fyot nous l'apprend, elle était tirée des cimetières. Heh oui. Voilà qui n'incitait guère à faire de cette matière insipide une consommation excessive.
En 1762, Fournier, médecin, écrit dans son Mémoire sur l'eau de la rivière de l'Ouche (excellent ouvrage dont je ne saurais que trop vous recommander la lecture, si, comme moi, vous vous passionnez pour les questions aquatiques de la Bourgogne du XVIII° sicèle) :
L'eau de nos puits est toujours malsaine, crue, terreuse. Elle ne manque jamais de fatiguer et de surcharger l'estomac lorsqu'on en boit.
Du reste l'Ouche était tenue en si piètre considération qu'on en enterra le cours pour le rendre souterrain. Comme disaient les Dijonnais alors : "cachez nous ce liquide que nous ne saurions voir".
Et puis, hélas, au XIX°, un ingénieur des ponts et chaussées, le fameux Henry Darcy de sinistre mémoire, à qui l'on n'avait d'ailleurs rien demandé, crut judicieux d'installer un réservoir et d'y acheminer la source du Rosoir pour inonder la ville d'un assemblage humide d'hydrogène et de dioxygène.
Et potable qui pis est.
Cet homme a fait boire de l'eau à des millions de Dijonnais, tandis que le vin aurait dû rester au long des siècles notre boisson quotidienne....
Ce petit rappel historique suffit à nous faire voir à quel point l'eau est étrangère à la tradition bourguignonne, et que les Dijonnais ont longtemps résisté à son invasion en cherchant à la proscrire défintivement de leur ville. Tout Dijonnais digne de ce nom doit abhorrer ce breuvage éceourant ! L'exécrer ! Le haîr !
Buvez, si vous en avez le courage, un litre d'eau. Que constatez-vous ? Rien. Pas le moindre début d'ivresse. Il vous faudra simplement procéder au plus vite à une inconfortable miction. C'est que l'eau s'adresse au plus vil de nos organes, c'est-à-dire le rein. Le vin lui, est d'une tout autre noblesse, il s'adresse au foie : le stradivarius de notre système digestif , la rolls royce de nos entrailles !
L'eau est un poison ! Elle fait perdre au vin tout son alcool, elle fait fondre le sucre et érode nos pierres !
Ce n'est pas pour rien qu'on la qualifie de plate, c'est qu'elle est dénuée de tout intérêt, de gout, et de propriétés éthyliques.
C'est la boisson des gens sobres, des abstinents, des bande-mous, des Français....
La seule eau digne de ce nom, c'est de l'eau-de-vie !
Si, il y a de cela quelques millions d'années, l'évolution nous a fait quitter le milieu marin pour le milieu terrestre, il y a une bonne raison à cela, c'est que nous n'en pouvions plus de batifoler dans ce milieu si odieusement humide.
L'eau est donc, par définition, anti-bourguignonne, puisque elle est anti-vin.
A bas l'eau et que l'avenir nous préserve de toute rivière dans la ville de Dijon !
5 commentaires:
Et pourtant l'eau est indissociable du vin comme l'ombre à la lumière.
Pour ce qui est des rivières, la Bourgogne est pourtant considérée comme le "chateau d'eau" de la France. Elle envoi en effet ce liquide aux quatre coins de la France.
Et les dijonnais ont longtemps vécu les pieds dans l'eau avec le non-hygiénique Suzon qui traverse la ville de part en part (canalisé par Darcy courant XIXe) mais aussi avec les fossés des anciennes fortifications (présente jusqu'au XVIIIe ) !
Oui évidemment, la Bourgogne est traversée par la Saone et la Seine, c'est pourquoi cet article concerne plus précisément Dijon.
Quant à l'eau autour des remparts, cela aurait plutot tendance à confirmer mon analyse, puisque l'eau alors était justement rejetée hors des murs de la ville, et non à l'intérieur.
Quant au Suzon, il réussit l'exploit d'être encore plus discret que l'Ouche, son cours confine à la quasi-invisibilité.
Et l'Yonne, bon sang, et l'Yonne... Qui coule à paris... (malgré le fait qu'on cherche à faire croire qu'il s'agit de la Seine.)
En tout cas, le fait qu'on envoie de l'eau à tout le monde autour montre bien que nous, on en veux pas.
"Dijon périra par le Suzon.", a-t-il été dit : l'eau est avant tout notre ennemie mortelle !
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