lundi 25 juillet 2011

Un amateur de gallinacées nommé Gaston

Après vous avoir entretenu du chanoine Kir il me semble approprié de vous parler d'une autre figure non moins légendaire de la vie politique dijonnaise : Gaston Gérard !


Né à Dijon le 30 avril 1878, dans la rue de l'Amiral Roussin, à quelques mètres à peine de la mairie, le jeune Gaston nourrit très tôt une passion -qui devait peu à peu virer à la monomanie- pour les poulets ! Gaston raffolait de la volaille ! C'est bien simple, la vue d'une cocotte le plongeait dans l'extase, le piaulement d'une géline l'euphorisait à l'extrême et le goût d'un bon poulet bien rôti le faisait s'envoler vers les plus hautes cîmes de la volupté !


Gaston aurait rêvé de travailler dans un poulailler et d'habiter en Bresse, mais son père, Georges Adolphe Gérard, austère comptable réputé pour l'extrême méticulosité qu'il apportait à son travail, ne voyait pas la vocation de son gallinophile de fils d'un oeil très rieur. Plus d'une fois le petit Gaston fut privé de blanc de poulet à cause de ses extravagances volaillères. On le contraignit donc à faire des études de droit, qu'il accomplit brillamment du reste, et à devenir avocat.


Gaston traversa alors la période la plus sombre de son existence, menant la morne existence d'un serviteur du droit, sans cesser de songer à ses nobles volailles. Il se livra au cours de cette période à diverses expériences, pareil à un savant qui rechercherait l'absolu, pour trouver la recette parfaite pour accommoder le poulet. Il essaya tout : le sel, le poivre, le sucre, la menthe, les orties et même (un soir de désespoir) l'eau minérale.... Rien n'y faisait ! Le poulet idéal restait encore à mijoter.



"Mangez du poulet !" Gaston Gérard

C'est alors qu'il fit la rencontre d'une jeune fille nommée (c'est authentique !) : Reine Geneviève Bourgogne ! Cette jeune fille, aux moeurs plutôt légère, avait une fort mauvaise réputation parmi la bourgeoisie dijonnaise. Parce qu'elle était un peu volage, on disait d'elle qu'elle était... une poule ! Elle attira aussitôt Gaston qui lui exposa ses aspirations culinaro-galinacières. Le couple était en train de manger un lapin à la moutarde en buvant du blanc-cassis (on ne parlait pas encore de Kir à cette époque), quand Reine Geneviève eut cette idée : et pourquoi ne pas cuisiner le poulet à la moutarde ! Gaston bondit d'enthousiasme à cette idée ! La fille se mit aussitôt aux fourneaux, bazardant le lapin par la fenêtre. Gaston ajouta à la moutarde tout de ce dont il raffolait : du beurre, du fromage et de la crème !
Ce fut pour lui une explosion de joie !
Dès lors son alimentation ne se composa plus que de poulet et de moutarde, donnant à sa physionomie cette allure de volatile à laquelle se mêlaient des airs de plante de la famille des Brassicacées, comme en témoigne cette photo :

Une bouchée plus tard il demandait la jeune femme en mariage et la conduisit à l'église.
La recette du poulet à la Gaston Gérard devait connaître la gloire en 1930 lorsqu'on la fit goûter au célèbre Curnonsky, surnommé le prince des gastronomes.

Cette recette devait aussi redonner la joie de vivre à Gaston qui se lança avec succès dans la politique puisqu'il fut élu maire de Dijon en 1919. C'est à lui que l'on doit , la Foire gastronomique, le parc des Sports ou encore le lycée Hippolyte-Fontaine.

Politiquement, Gaston Gérard était un type plutôt rond, et si je devais symboliser sa psychologie par une figure géométrique je n'utiliserais certainement pas celle d'un parallélépipède rectangle. Certes non. Lui proposa-t-on la création du lycée Hippolyte Fontaine ? Il accepta. La création de la foire gastronomique ? Il accepta. Quand la gauche gagna les élections en 1928 c'est avec entrain qu'il accepta d'entrer dans ses rangs, et quand la droite les gagna en 1932 c'est avec le même entrain qu'il accepta de la rejoindre. Sa jovialité lui permit donc d'occuper fort longuement son poste de député et le mit à l'abri du chômage technique.
En 1940, c'est encore avec un enthousiasme non dissimulé qu'il accepta de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Certes les nazis avaient envahi les trois quarts de l'Europe, et ce par des moyens ultra-violents, mais à ses yeux, cela ne constituait pas une raison suffisante pour ne pas aller trinquer avec eux, aussi pendant la guerre pouvait-on régulièrement l'apercevoir aux terrasses des cafés en compagnie de ses camarades germanophiles et amateurs de choucroute.

Cette extrême bonhomie, Gaston devait la payer chère puisqu'à la Libération il fut condamné à l'indignité nationale par quelques résistants un peu grincheux. Il en fut fort marri mais se consola bien vite à l'aide d'un bon poulet, ce savoureux animal qui avait conservé son entière sympathie (en particulier lorsqu'il était mijoté à la moutarde).




Ô exquise consolation !

Aujourd'hui, certains journalistes à l'esprit revanchard, qui prennent courageusement le parti de la Résistance en cette année 2011, voudraient voir se poursuivre l'épuration et changer le nom du stade de Dijon, sous le prétexte que Gaston Gérard eut des sympathies pétainistes.


Le M.L.B., quant à lui, s'oppose farouchement à ce changement de nom. Le stade Gaston Gérard doit conserver ce nom illustre. Nous estimons en effet que la recette du poulet Gaston Gérard est un apport immense à la gastronomie qui suffit amplement à excuser les quelques erreurs que commit ce grand amateur de volaille et qui justifie que l'on continue à honorer sa mémoire ! Après tout, la cuisine n'est-elle pas plus importante que la politique ?
Vive Gaston Gérard et son poulet !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Miam !

Marie 21 a dit…

Le coeur d'un homme (Bourguignon bien entendu, lol) passe donc vraiment par son estomac...

Anonyme a dit…

Toujours aussi bon ! Continue Charles.

Charles le Téméraire a dit…

C'est probable chère Marie21.
Moi-même je résisterais difficilement à une jeune fille qui saurait convenablement cuisiner les gougères.

Anonyme a dit…

N'est-ce pas injuste d'avoir donné le nom de Gaston Gérard à cette recette alors que c'est sa femme qui l'a inventée ?

Yazok von Kenoby a dit…

Oui, bien que cet article soit des plus savoureux, la conclusion naturelle semble en être que nous mangeons tous du poulet à la Reine Geneviève Bourgogne