Notre bon chanoine accomplit en effet au cours de sa sybaritique existence un certain nombre de miracles qu'on aurait tort de dédaigner.
Consacrons-nous à son hagiographie.
Le chanoine Kir vit le jour à Alise-Sainte-Renne le 22 janvier 1876 et reçut pour son baptême l'aimable prénom, très judicieusement choisi, de Félix, qu'il porta mieux encore qu'un célèbre félidé yankee de couleur bistre. Son enfance s'écoula aussi vite qu'une lampée de kir dans un gosier de Bourguignon, puis à l'âge de 25 ans il fut ordonné prêtre. Il prêcha ça et là, et notamment à Bèze, ville fameuse où plus d'un pêché de luxure se commet à chaque instant (Bèze se trouve en Bourgogne et ne saurait sans absurdité se trouver en quelqu'autre endroit de ce globe).
Partout où il officia, à Auxonne, Drée ou Nolay, il laissa le souvenir d'un curé jovial, assez porté sur la bouteille et dont la descente était pour ainsi dire christique. Presque toujours ivre du matin jusqu'au soir, puis du soir jusqu'au petit matin, Félix Kir était un curé proche de ses oilles et pas fier pour deux sous.
La proéminence de son appendice nasal témoigne assez de son heureuse façon de vivre.
Felix Felicitae est.
Le reste de sa vie terrestre est trop célèbre pour que je m'y attarde : pendant la Seconde Guerre Mondiale il parvint à faire s'évader plusieurs milliers de prisonniers de guerre français, il se fit capturer, puis il prit le maquis. Il survécu miraculeusement à plusieurs bastos que quelques allemands facétieux crurent malin de lui introduire dans le buffet (on n'a pas idée de la dangerosité d'une mitraillette tant qu'on n'a pas gouté quelques pruneaux, mais le chanoine Kir pourrait vous l'assurer : ces petites machines là peuvent faire bigrement mal !). Puis, fort de son aura de résistant il se fit triomphalement élire à la mairie de Dijon, puis à la députation, et construisit l'étendue aqueuse et éminemment liquide qui porte toujours son nom (je veux bien sûr parler du lac Kir).
Un petit documentaire sur Félix Kir, qui met l'accent sur sa religiosité et où il nous est donné d'entendre quelques beaux roulements de R.
Tout cela est fort connu de tous les Dijonnais et des services de la police allemande.
Ce qui l'est moins en revanche, c'est la partie mystique de l'existence du chanoine Kir. Car, quoique les sens jouèrent un rôle non négligeable dans son orgiaque séjour terrestre, le chanoine Kir n'en n'entretint pas moins un dialogue fort rapproché (une aimable causerie en somme) avec les forces célestes.
D'abord, et c'est un apport considérable à la pensée chrétienne, le chanoine Kir fût l'inventeur de la théologie anale.
Cette discipline, éminemment passionnante, quoiqu'encore injustement négligée, consiste à démontrer l'existence de Dieu à l'aide de son sphincter (en partant vraisemblablement du postulat mystique selon lequel les voies les plus triviales sont celles qui communiquent le plus étroitement avec le Ciel).
La théologie anale fût inventée à l'Assemblée Nationale un jour qu'un député matérialiste asséna au chanoine :
"_ Dieu ! Peuh ! Ca n'est rien que de la foutaise cette histoire là puisqu'on ne l'a jamais vu".
Alors, dans une illumination mystique et rectale, Kir énonça cette brillante vérité, qui posa les fondements de la théologie anale :
_ Et mon cul ? L'avez-vous vu mon cul ? Mirâtes-vous jamais mon postérieur ? Contemplâtes-vous ne serait-ce qu'une seconde le fond de mon rectum ? Non ? Et pourtant Il existe !".
Cette immortelle assertion suffirait je pense à élever le chanoine Kir au rang de Docteur de l'Église, mais celui-ci n'en resta pas là, il accomplit d'authentiques miracles.
Pour savoir ce qu'est un miracle authentique, souvenons nous d'un célèbre banquet qui se déroula du côté de Cana, dans les années 20. Un jeune Galiléen alors célébrait ses noces. Hélas celui-ci était un grand admirateur de la Gaule, et, de retour d'un voyage qu'il fit à Lutèce, il en avait rapporté des jarres entières d'eau minérale. Autant dire que l'ambiance était assez morose. Or parmi les convives se trouvait un jeune ivrogne, prénommé Jésus et qui s'ennuyait ferme. Il jugea que son père, qui avait créé l'univers, aurait pu le rendre bigrement plus divertissant en faisant un moindre effort, aussi il accomplit ce miracle inoubliable (qui mériterait d'être renouvelé à notre époque ô combien cananéenne) : il changea l'eau en vin (et probablement en vin de Bourgogne, même si les Evangiles n'ont pas pris la peine de le préciser tant la chose paraît évidente).
Voilà ce qui s'appelle un authentique miracle, tel que l'Église le reconnaît !
Deux millénaires plus tard, le chanoine Kir se trouva lui aussi à un banquet, non pas à Cana (et qu'eût-il été ficher à Cana ?) mais en Bourgogne, aussi était-il plus autrement plus joyeux que le précédent et l'on y buvait du vin blanc en abondance. Mais aussi joyeux fût-il, il ne l'était pas suffisamment pour notre bon chanoine pour qui la joie ne saurait connaître nulle forme de modération. Aussi, alors que le Christ avait changé l'eau en vin, Kir accomplit un exploit non moins miraculeux : il métamorphosa le vin blanc aligoté en kir !
Certes ce miracle était moins difficile à accomplir que celui du Christ, puisque Jésus a opéré une transmutation à partir d'un breuvage autrement moins alcoolisé, il partait donc avec un plus grand handicap, mais le résultat du miracle de Kir est autrement plus savoureux et pour vous en convaincre je vous invite à comparer le goût du kir à celui du vin blanc aligoté sec.
Pour cela seul il mériterait amplement la béatification, mais il n'en resta pas là.
Quelques années plus tard, en 1960, le dirigeant de l'URSS, Nikita Khrouchtchev, vint visiter la ville de Dijon. A l'époque, Khrouchtchev proposait ni plus ni moins que d'anéantir l'occident capitaliste sous le feu de ses ogives nucléaires Mais baste, une petite guerre thermo-atomique n'allait certes pas empêcher Kir d'aller boire un petit coup, aussi invita-t-il Nikita à boire un petit verre à la mairie de Dijon. Khrouchtchev, grand buveur, avait amené sa propre bouteille de vodka en s'imaginant qu'il aurait tôt fait d'envoyer Kir faire quelques pirouettes sous la table. C'était sans compter l'intervention divine. Kir s'empara de la bouteille de vodka et, sous le regard ébahi de l'ancien paysan de Koursk, métamorphosa son contenu en un savoureux double k : mélange de cassis et de vodka. Quelques verres plus tard, soufflé par le génie divin du chanoine, le dirigeant de l'URSS déposait au pied de la tour Philippe le Bon une colossale peau de renard avant de s'enfoncer dans un profond sommeil éthylisé.
Ainsi le maire de Dijon ne s'était pas contente de changer le vin en kir, il changea aussi la vodak en double k.
On dit qu'avant sa mort, Khrouchtchev, bien que farouchement matérialiste, murmura en râlant le nom de Kir, comme s'il avait été touché par ce souffle divin à l'haleine un peu chargé.
Avouez que l'Eglise catholique se montrerait bien scrupuleuse si elle ne reconnaissait pas là de véritables miracles !
Mais pour que la sainteté d'un homme soit reconnue par l'Eglise catholique, il est nécessaire que celui-ci réalise des miracles de manière post mortem.
Aussi chers lecteurs, la prochaine fois que vous souffrirez de la gueule de bois : invoquez le chanoine Kir et brûlez un cierge en invoquant son nom. Si par miracle votre migraine venait à s'évanouir, si la xylocéphalie disparaissait, c'est qu'alors saint Kir, le saint patron des lendemains de cuites, vous aura exaucé, et alors enfin, plus rien ne viendra s'opposer à sa béatification par la Sainte Eglise Catholique.
Saint Kir priez pour nous !
Et attendant sa canonisation, buvons des canons !
Partout où il officia, à Auxonne, Drée ou Nolay, il laissa le souvenir d'un curé jovial, assez porté sur la bouteille et dont la descente était pour ainsi dire christique. Presque toujours ivre du matin jusqu'au soir, puis du soir jusqu'au petit matin, Félix Kir était un curé proche de ses oilles et pas fier pour deux sous.
La proéminence de son appendice nasal témoigne assez de son heureuse façon de vivre.
Felix Felicitae est.
Le reste de sa vie terrestre est trop célèbre pour que je m'y attarde : pendant la Seconde Guerre Mondiale il parvint à faire s'évader plusieurs milliers de prisonniers de guerre français, il se fit capturer, puis il prit le maquis. Il survécu miraculeusement à plusieurs bastos que quelques allemands facétieux crurent malin de lui introduire dans le buffet (on n'a pas idée de la dangerosité d'une mitraillette tant qu'on n'a pas gouté quelques pruneaux, mais le chanoine Kir pourrait vous l'assurer : ces petites machines là peuvent faire bigrement mal !). Puis, fort de son aura de résistant il se fit triomphalement élire à la mairie de Dijon, puis à la députation, et construisit l'étendue aqueuse et éminemment liquide qui porte toujours son nom (je veux bien sûr parler du lac Kir).
Un petit documentaire sur Félix Kir, qui met l'accent sur sa religiosité et où il nous est donné d'entendre quelques beaux roulements de R.
Tout cela est fort connu de tous les Dijonnais et des services de la police allemande.
Ce qui l'est moins en revanche, c'est la partie mystique de l'existence du chanoine Kir. Car, quoique les sens jouèrent un rôle non négligeable dans son orgiaque séjour terrestre, le chanoine Kir n'en n'entretint pas moins un dialogue fort rapproché (une aimable causerie en somme) avec les forces célestes.
D'abord, et c'est un apport considérable à la pensée chrétienne, le chanoine Kir fût l'inventeur de la théologie anale.
Cette discipline, éminemment passionnante, quoiqu'encore injustement négligée, consiste à démontrer l'existence de Dieu à l'aide de son sphincter (en partant vraisemblablement du postulat mystique selon lequel les voies les plus triviales sont celles qui communiquent le plus étroitement avec le Ciel).
La théologie anale fût inventée à l'Assemblée Nationale un jour qu'un député matérialiste asséna au chanoine :
"_ Dieu ! Peuh ! Ca n'est rien que de la foutaise cette histoire là puisqu'on ne l'a jamais vu".
Alors, dans une illumination mystique et rectale, Kir énonça cette brillante vérité, qui posa les fondements de la théologie anale :
_ Et mon cul ? L'avez-vous vu mon cul ? Mirâtes-vous jamais mon postérieur ? Contemplâtes-vous ne serait-ce qu'une seconde le fond de mon rectum ? Non ? Et pourtant Il existe !".
Cette immortelle assertion suffirait je pense à élever le chanoine Kir au rang de Docteur de l'Église, mais celui-ci n'en resta pas là, il accomplit d'authentiques miracles.
Pour savoir ce qu'est un miracle authentique, souvenons nous d'un célèbre banquet qui se déroula du côté de Cana, dans les années 20. Un jeune Galiléen alors célébrait ses noces. Hélas celui-ci était un grand admirateur de la Gaule, et, de retour d'un voyage qu'il fit à Lutèce, il en avait rapporté des jarres entières d'eau minérale. Autant dire que l'ambiance était assez morose. Or parmi les convives se trouvait un jeune ivrogne, prénommé Jésus et qui s'ennuyait ferme. Il jugea que son père, qui avait créé l'univers, aurait pu le rendre bigrement plus divertissant en faisant un moindre effort, aussi il accomplit ce miracle inoubliable (qui mériterait d'être renouvelé à notre époque ô combien cananéenne) : il changea l'eau en vin (et probablement en vin de Bourgogne, même si les Evangiles n'ont pas pris la peine de le préciser tant la chose paraît évidente).
Voilà ce qui s'appelle un authentique miracle, tel que l'Église le reconnaît !
Deux millénaires plus tard, le chanoine Kir se trouva lui aussi à un banquet, non pas à Cana (et qu'eût-il été ficher à Cana ?) mais en Bourgogne, aussi était-il plus autrement plus joyeux que le précédent et l'on y buvait du vin blanc en abondance. Mais aussi joyeux fût-il, il ne l'était pas suffisamment pour notre bon chanoine pour qui la joie ne saurait connaître nulle forme de modération. Aussi, alors que le Christ avait changé l'eau en vin, Kir accomplit un exploit non moins miraculeux : il métamorphosa le vin blanc aligoté en kir !
Certes ce miracle était moins difficile à accomplir que celui du Christ, puisque Jésus a opéré une transmutation à partir d'un breuvage autrement moins alcoolisé, il partait donc avec un plus grand handicap, mais le résultat du miracle de Kir est autrement plus savoureux et pour vous en convaincre je vous invite à comparer le goût du kir à celui du vin blanc aligoté sec.
Pour cela seul il mériterait amplement la béatification, mais il n'en resta pas là.
Quelques années plus tard, en 1960, le dirigeant de l'URSS, Nikita Khrouchtchev, vint visiter la ville de Dijon. A l'époque, Khrouchtchev proposait ni plus ni moins que d'anéantir l'occident capitaliste sous le feu de ses ogives nucléaires Mais baste, une petite guerre thermo-atomique n'allait certes pas empêcher Kir d'aller boire un petit coup, aussi invita-t-il Nikita à boire un petit verre à la mairie de Dijon. Khrouchtchev, grand buveur, avait amené sa propre bouteille de vodka en s'imaginant qu'il aurait tôt fait d'envoyer Kir faire quelques pirouettes sous la table. C'était sans compter l'intervention divine. Kir s'empara de la bouteille de vodka et, sous le regard ébahi de l'ancien paysan de Koursk, métamorphosa son contenu en un savoureux double k : mélange de cassis et de vodka. Quelques verres plus tard, soufflé par le génie divin du chanoine, le dirigeant de l'URSS déposait au pied de la tour Philippe le Bon une colossale peau de renard avant de s'enfoncer dans un profond sommeil éthylisé.
Ainsi le maire de Dijon ne s'était pas contente de changer le vin en kir, il changea aussi la vodak en double k.
On dit qu'avant sa mort, Khrouchtchev, bien que farouchement matérialiste, murmura en râlant le nom de Kir, comme s'il avait été touché par ce souffle divin à l'haleine un peu chargé.
Avouez que l'Eglise catholique se montrerait bien scrupuleuse si elle ne reconnaissait pas là de véritables miracles !
Mais pour que la sainteté d'un homme soit reconnue par l'Eglise catholique, il est nécessaire que celui-ci réalise des miracles de manière post mortem.
Aussi chers lecteurs, la prochaine fois que vous souffrirez de la gueule de bois : invoquez le chanoine Kir et brûlez un cierge en invoquant son nom. Si par miracle votre migraine venait à s'évanouir, si la xylocéphalie disparaissait, c'est qu'alors saint Kir, le saint patron des lendemains de cuites, vous aura exaucé, et alors enfin, plus rien ne viendra s'opposer à sa béatification par la Sainte Eglise Catholique.
Saint Kir priez pour nous !
Et attendant sa canonisation, buvons des canons !
6 commentaires:
Samedi matin j'aurai surement l'occasion de bruler un cierge pour saint kir.
J'espere qu'il va m'exaucer car je risque d'en avoir vraiment besoin.
La voix du chanoine Kir est très impressionante.
Lire ça alors que j'ai essuyé tes railleries l'unique fois où j'ai commandé un kir en ta compagnie ! Et le billet sur Jossot, c'est pour quand ?
Moi ? Mais je respecte trop le kir pour en railler les buveurs.
Jossot est trop anti patriote pour que j'en parle ici. Je compte plutôt lui consacrer un chapitre dans mon futur livre.
A ce sujet : as-tu finis par acheter le catalogue de l'exposition ?
Chaque fois que je vais à Notre Dame (rue de la Préfecture, bien entendu) j'ai une pensée pour notre Chanoine car je sais qu'il avait une préférence pour elle.
Quel homme c'était.
Félicitations pour l'excellence de votre gout madame.
Notre Dame est aussi mon église préférée pour l'originalité de son architecture pour pour la Vierge portectrice de la ville.
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