Lequel d'entre nous n'a pas, dans sa famille, une ou plusieurs femmes prénommées Alpais ? Qui n'a jamais tenté de séduire une affriolante Alpais ? Qui n'a jamais rêvé de baptiser sa fille du délicat patronyme d'Alpais ? Qui n'a pas quelque part une vieille tante Alpais à laquelle on offre chaque année un bouquet de violettes (les Alpais raffolent des violettes !) ? Qui ne s'est jamais donné solitairement du plaisir en songeant à une délicieuse jeune fille nommée Alpais ?
Personne sans doute ! Ou presque !
Or, et c'est un chose trop ignorée, y compris des Alpais elles-mêmes, qui sont souvent étourdies (ce qui n'enlève rien à leur charme), mais Alpais est un prénom d'origine bourguignonne ! Heh oui, tout comme Vivant et Bénigne, Alpais fait partie des ces patronymes que la Bourgogne offrit à l'humanité, qui n'en n'eut d'aileurs pas grand chose à foutre. Mais passons sur son ingratitude pour en revenir à notre sujet.
La petite Alpais naquit un beau jour de 1155. C'est à Cudot, dans l'Yonne, qu'elle passa toute son enfance, où elle exerçait la noble, mais peu lucrative, profession de bergère. Elle aurait pû connaitre le destin de tant d'autres jeunes filles de l'Yonne, mais Dieu, dans Son infini bonte, en décida autrement. Fût-ce pas manque d'hygiène ? Fût-ce pour avoir fréquenté de manière trop intime des ovidés ? Quoiqu'il en soit, par une journée tragique, la pauvre Alpais rentra chez elle bien mal en point. Elle s'alita, fièvreuse, sans plus pouvoir quitter sa paillasse. Ses parents, inquiets de la santé de leur progéniture, firent venir le médecin. Son diagnostic, en voyant la chair de l'enfant se répandre dans toute la barraque, fût imparable : la petite Alpais avait chopé une lèpre carabinée !
Les parents de l'enfant furent accablés par cette sombre nouvelle, mais ils n'en conservèrent pas moins la tendre et proverbiale humanité qu'éprouvent les parents icaunais à l'égard de leurs rejetons, et c'est pourquoi, sans esquisser la moindre hésitation, ils firent aussitôt enfermer leur fille dans la plus proche lèproserie avec la défense formelle d'entrer en contact avec tout être vivant.
Alpais passa donc de la bergerie à la pèproserie. Les parents de la fillette, ne de départissant jamais de leur générosité toute bourguignonne, venaient régulièrement jeter quelques miettes de pain à l'enfant qui devait attendre leur départ pour avoir le droit d'approcher de ces quelques croutons. Quoiqu'Alpais était alors nourrie et logée, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine amertume en analysant sa situation. Amertume aggravée par sa maladie, pour le moins pénible, tant il est vrai que la lèpre provoque des démangeaisons fort désagréables.
Un jour, le frère d'Alpais, tandis que la famille se dirigeait vers la lèproserie pour nourrir la fillette, tint à ses parents ce langage :
_ Papa ? Maman ? Voilà près d'un mois qu'Alpais est enfermée dans cette léproserie, quand sortira-t-elle ?
_ Hélas mon pauvre enfant, jamais, j'en ai bien peur. Nul ne peut guérir de la lèpre hélas !
_ Mais alors, si elle va mourir, pourquoi est-ce qu'on lui donne du pain ?
Les parents se regardèrent, étonnés par ce discours. Puis après mûre réflexion, ils ingurgitèrent goulûment le repas destiné à Alpais et s'en retournèrent chez eux, le ventre plein.
Alpais, de son côté, attendit quelques jours, puis, quand les gargouillis de son ventre devinrent assourdissant, elle comprit que jamais plus on ne viendrait la nourrir. Elle ne put s'empêcher d'éprouver, non sans quelque raison comme un sentiment d'injustice, et, écoeurée des hommes, choisit de se tourner vers Dieu. Ce Dernier, toujours bon bougre, ne resta pas sourd aux prières de la jeune Bourguignonne et la guérit illico de sa maladie.
Alpais passa les dernières années de son existence perdue dans l'extase de ses visions mystiques en se nourrissant exclusivement d'osties. Ses visions furent si cosmiques, que plus tard, elle fût canonisée et nommée sainte patrone des astronautes ! Heh oui, donc la prochaine que vous irez sur la Lune, ayez une petite pensée pour sainte Alpais, la petite lèpreuse cosmique ! Et si quelque part, des satellites nous permettent d'utiliser nos téléphones portables, c'est un peu grâce à la Bourgogne. Et vous parents, si vous souhaitez que votre enfant devienne mystique, vous savez ce qu'il vous reste à faire : abadonnez le dans une lèproserie !
samedi 24 juillet 2010
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6 commentaires:
Je tiens à signaler ici que les français et parisiens, dans leur fourberie habituelle, nous ont subrepticement volé ce nom magnifique. Qui n'a jamais joué au Monopoly® ?
"Rue d'Alpais, 40 000, j'achète"
Je tiens également à évoquer la bourguignonne origine du nom, qui est, nous en conviendrons, assez intuitive.
Vivant et Bénigne, en forêt, se brandouillaient à l'aide d'une planche de bois suspendue.
"La crème de cassis était bonne, hein, Vivant?
- J'ai mangé trop de moutarde. Alors, finalement, comment allons-nous nommer ma fille?
- Heu...
- Prrrrrouuuuut !
- Ah, l'pet !
- Alpais, bonne idée !
- Non, je voulais dire : tu es un champion dans l'art de laisser ton anus exprimer son bon vivant avec musicalité.
Je ne vois pas ce qui vous faite dire ça, je trouve tout au contraire qu'Alpais est un prénom délicieux, empli de grâce et de suavité.
Il est d'ailleurs hors de question que ma fille, quand elle naîtra, arbore un autre prénom.
Dans ce cas Charles, j'attends avec impatience de voir le futur acte de naissance de votre fille sur ce même site, pour voir si votre parole est celle d'un bourguignon ou d'un fourbe français.
Dans l'éventualité où vous n'auriez un garçon qu'elle serait son prénom ?
Pour un fills, hmmm, j'hésiterai entre Charles, Philippe, Jean ou encore Bénigne.
Il faudra que j'en discute avec sa mère lorsque je l'aurais rencontrée.
Alors là! C'est fameux! Merci Germain!
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