samedi 8 août 2009

Hit the road Charles !

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_ Tiens mon chéri, ton petit déjeuner est prêt.
_ Voilà ce que j'en fais de ton petit déjeuner ! lui répondis-je en lui projetant un verre de jus d'orange pressée au visage. Au diable ta petite routine ! Aujourd'hui nous allons prendre le large, fais chauffer la bagnole !

Et nous voilà parti, ma mère et moi (car il s'agissait de ma mère dans la scène précédente), arpentant comme des fous les routes de l'Auxois à toute berzingue, sous le regard médusé des Charolaises livides, roulant à des 70 à l'heure les cheveux bien à l'abri du vent dans notre Ford Fiesta indécapotable !

Pour les vacances il y en a qui rêvent de plages de sable fin, de palmiers, de noix de coco. Or je vous le demande, qu'il y a-t-il à voir dans ces coins paumés ?
Nada, comme disent les Italiens. Je ne comprendrai jamais pourquoi des touristes s'en vont par milliers moisir dans des coins aussi sinistres. Pour moi rien ne vaudra jamais le Sud de la Côte d'Or ! Le seul Sud qui me fasse rêver, c'est celui de l'Auxois ! Vous comprendrez mon impatience, ma trépignation, quand vous saurez que notre première destination n'étais autre que la Bussière-sur-Ouche. Déjà je frétillais de jubilation rien qu'en pensant au bas relief de Saint Hubert qui m'attendait là bas ! Hélas, trois fois hélas, l'église était fermée pour cause de restauration...
Qu'à cela ne tienne, il en faut plus pour entamer notre enthousiasme bouillonnant, à maman et à moi, nous remettons illico dans l'autoradio un bon vieux CD de Guillaume Dufay et déjà la voiture parait décoller, et petit à petit elle nous conduit au milieu des vignes, en plein pays Beaunois, au coeur même de la Bourgogne ! Ah quel paradis ! Ici tous les villages ont des noms de vin. Il suffit de lire sa carte pour s'enivrer. Et devant nous, Arcenant ! Arcenant ! Arcenant !

Le pavillon de la Bourgogne Libre flotte au sommet d'Arcenant.

Qu'allions nous voir à Arcenant ?
A votre avis ? Béotiens ! La statue équestre de Saint Martin pardi !
L'église d'Arcenant parait assez ordinaire de l'extérieur, bien que la butte sur laquelle elle est juchée en renforce la majesté. Quant à l'intérieur, il est criant de vulgarité. Tout ce que l'art religieux du XIX° siècle a fait de pire s'y trouve exposé. Les amateurs de peinture troubadoure et de grimaces ingresques y seront comblés. Mais au dessus de la porte, la statue est là, et quelle statue ! un chef d'oeuvre ! et quel chef d'oeuvre ! Slutérien à mort ! Quel contraste entre le visage calme, doux, assuré du saint (qui ressemble à un personnage de Lippi) et les guenilles en loques du cul terreux ! Je vous en aurais bien montré une photographie, mais celle que j'ai prise est floue hélas.
La beauté, ça donne faim. Et nous voilà au restaurant. Le patron nous écrase les mains en nous saluant avant de nous servir un copieux jambon persillé et une bonne lampée de Passetougrain, dont la translation entre mon verre et mon gosier est effectuée à la vitesse de l'éclair.
Et c'est reparti. L'étape suivante : Mimande ! Le fameux pays de Xavier Forneret.
Déjà à Chaudenay, en visitant l'église je suis pris d'une intense émotion en songeant que sans doute, le poète venait se recueillir en ces lieux.

Votre serviteur, bigrement ému, dans l'église de Chaudenay.

J'avais envisagé cette expédition depuis longtemps déjà, sans jamais oser franchir le pas. Comme la photo précédente en atteste j'étais vêtu pour l'occasion de mon habit le plus noir pour ressembler le plus possible à l'immortel auteur de "L'homme en noir, blanc de visage". Sa maison est assez difficile à trouver, elle est située tout au bout d'une impasse, après un petit pont étroit. Je riais d'avance de la surprise qui serait celle des actuels occupants des lieux en voyant venir chez eux le sosie de Forneret. Hélas le pauvre poète a été bien oublié en ces lieux. Les locataires furent tellement surpris de voir quelqu'un s'aventurer sur leurs propriétés qu'ils lâchèrent sur nous deux gigantesques molosses, aux dents aussi longues que mes jambes, et fichtrement bien aiguiséés. Le propriétaire était au premier étage, entièrement nu, il nous hurla quelques mots rendus incompréhensibles par les aboiements assourdissants des deux cerbères, dont la gueule béante s'acharnait sur les grilles de la propriété. Je ne prétends pas connaitre le langage des animaux mais la façon dont ces deux canidés faisaient grincer les sabres qui leur servaient de dentition ne me parut pas être le signe de la plus franche camaraderie. De plus, et ce depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours éprouvé une certaine réticence vis-à-vis de la douleur physique et de la section de l'un de mes membres. Nous ne crûmes donc pas fort utile de nous attarder plus longuement et rebroussâmes chemin, en quatrième vitesse.

L'accueil, très modérement accort, de la maison Forneret.

Avant notre départ j'eus le temps de prendre une photographie. Au premier étage, deux bambins me regardaient tout étonnés, et quand nous partimes le plus grand des deux regarda son petit frère en se frappant la tête avec l'index. Il faut croire que les admirateurs de Forneret sont peu nombreux à faire le pélerinage...
Ce fut là la plus grand déception de notre expédition. Forneret en effet était relativement riche, et je pensais trouver dans sa maison des personnes aux moeurs soigneusement lissées par un porte monnaie débordant de pognon, qui m'auraient volontiers fait visiter la propriété, et plus particulièrement la tombe de Bertram, le chien du poète...

Mais baste ! Reprenons notre route. Notre voyage avait atteint là son point le plus méridional. Aller plus au Sud nous aurait conduit en Saone-et-Loire, et une telle expédition nous parut beaucoup trop avantureuse, aussi nous dirigeâmes nous vers le Nord.
Ce fût d'abord l'impressionante colonne de Cussy.

Bibi, devant la colonne de Cussy. Avouez que la photo n'est pas dégueulasse.

La visite de l'église de Foissy fût rapidement expédiée, pour cause de fermeture. Puis ce fût celle d'Arnay-le-Duc, où je me recueillis pour prier le Seigneur.


Enfin ce furent Meilley sur Rouvres et sa fresque de 1485 et Saint-Thibault, la plus belle église de l'Auxois, donc du monde.


Le pied d'une statue de l'église de Saint Thibault. On y voit très bien le drapé lourd, ondulé, volupteux, caractéristique de la sculpture bourguignonne.

Enfin, retour à la maison.
Avouez après un tel récit qu'il faudrait être le dernier des sots pour partir en vacances sur une misérable étendue de cailloux brisés par l'érosion sise devant cette accumulation grotesque de Dioxygène, d'Hydrogène et de Chlorure de Sodium qu'on appelle la mer. En une journée à peine, j'ai eu à ma portée plus de 1600 d'histoire de l'art Bourguignon, des paysages verdoyants et une boustifaille à se rompre la panse. Bref, pour les vacances, rien ne remplacera jamais le Sud de la Cote d'Or !
Alors bonnes vacances à tous ! Et à bientôt sur les routes de Bourgogne !

10 commentaires:

Jean Pommard a dit…

Charles vous déchirez !

Anonyme a dit…

quelle épopée ! la côte-d'or sera toujours mieux quela côte-d'azur.

Benoît a dit…

ah! Arcenant, Nuit-saint-Georges, Meuilley, Vosne-Romanée, Vougeot, Premeaux-Prissey... c'est mon pays, mon coin, mais pourquoi donc n'êtes vous pas venu gouté mon Bourgogne aligoté, vous régaler avec mon Petit-Mont ou mon Grands-Echezeaux, vous saouler avec mon PTG a force de faire exprès de perdre au tradéridéra... a quand vôtre visite mon cher Charles? je vous contacterais par E-mail pour vous inviter a la "vendange party 03" au domaine (et vous présence sera obligatoire!)
Bourgognement vôtre...
Benoît

Pierren a dit…

Je me languis de retrouver votre plume cher Charles, ce ton ironique et cette voluptée dans ces propos, qui vous donne une légèreté tant habile que souriante.

Vous avez su mettre en avant la beauté du vrai Sud, a quand un article sur le vrai centre, le Morvan ?

Anthony a dit…

Ola, vous allez arrêter de parler comme des Parisiens ?

Un article sur le Charolais mon pays serait bien sympa je pense.

Pierren a dit…

http://fr.novopress.info/27877/henri-vincenot-la-bourgogne-a-lhonneur/

Un article parfait sur Henry Vincenot...

Charles le Téméraire a dit…

Merci beaucoup pour vos invitations. Croyez bien que si je pouvais, je passerai ma vie à arpenter la Bourgogne de long en large.

>> benoit, désolé de ne pas m'être attardé, mais j'avais une journée assez chargée. De plus la compagnie de ma mère aurait, je crois, rendue notre rencontre légèrement moins conviviale. Mais promis, ce n'est que partie remise.

Et puisque mes récits de voyage bourguignon semblent avoir quelque succès je vais vous en livrer un deuxième.

Hermine a dit…

C'est drôle , c'est le même drapeau que les SS belges avait sur le front de l'est seriez vous un néo nazi???

Charles le Téméraire a dit…

Exact oui, vous soulevez un point encore non abordé sur ces pages : mais Léon Degrelle et sa légion wallonne arborait bel et bien le drapeau de la croix de Saint André. Ce drapeau a une histoire, il a d'abord été le signe de ralliement des partisans à Charles le Téméraire, en Bourgogne puis en Franche Comté qui ont voulu montré ainsi leur attachement à la Bourgogne. Léon Degrelle l'a repris car lui aussi avait repris à son compte l'idée de l'indépendance de la Bourgogne. En accord avec Goebbels, son projet était de créér un état tampon entre la France et l'Allemagne, pour éviter que la France puisse se venger de la défaite de 1940. D'une certaine façon Degrelle était donc lui aussi un bourguignon libre, et le fait que ce projet ait failli voir le jour après le 2eme guerre mondiale prouve que la Belgique a gardé des leins profonds avec la Bourgogne. Ceci dit vous pensez bien que la soumission à l'Allemagne ne nous aurait pas davantage satisfait que la soumission à la France, je vous rassure donc, nous ne sommes en rien un mouvement d'extrême droite, il se trouve que les aléas de l'histoire ont pu donner des significations différentes à des mêmes symboles (vous n'accuseriez pas les boudhistes d'êtres nazis parce qu'ils ornent leurs temples de croix gammées n'est-ce pas ?).

Unknown a dit…

Ahhh... quel patrimoine !
Néanmoins l'ensemble du Morvan est un pélérinage ...